88                          Les Spectacles de la Foire.
Roi, arrêts ct ordonnances de police qui font défenfe aus danfeurs dc corde de jouer aucune pièce de comédie fur les théâtres qu'ils ont établis aux en­virons de la foire Saint-Germain, fans aucune autorité de juftice, ni privilège, ils viennent d'apprendre que la troupe des danfeurs de corde, qui eft établie au jeu de paume de Bel-Air, rue de Vaugirard, fous le nom de la demoifelle Baron, continuoit de repréfenter des comédies et pièces de théâtre fcènes par fcènes, même affichoit publiquement qu'on y jouoit journellement des pièces, ce qui leur attiroit un concours de monde infini par les repréfentations la plupart indécentes et obfcènes qu'ils faifoient, lefquclles caufoient la ruine entière de la comédie qui eft établie par l'autorité du Roi; Pourquoi ils ont intérêt d'arrêter lefdites contraventions à leur privilège, exclufif à toute autre perfonne, de faire jouer la comédie ; et, pour cet effet, ils nous requièrent de nous vouloir préfentement tranfporter audit jeu de paume de Bel-Air pour dreffer procès-verbal de ladite contravention.
Signé : A. Dubocage; VIxLOT-DuFEY.
Sur quoi nous, commiffaire, etc., fommes à l'inftant tranfporté fufditeruc dc Vaugirard, au jeu de paume de Bel-Air, où étant entré, avons trouvé un théâtre rempli de décorations et, dans les côtés, pluficurs loges l'une fur l'autre cn deux rangs, un parterre et un amphithéâtre, le tout rempli de monde de l'un et de l'autre fexe. Et dans Ie moment a paru fur le théâtre un acteur, habillé en docteur, parlant à un .autre acteur, nommé Pierrot, auquel il faifoit la propofition de vouloir marier fa fille Colombine à un comte allemand; qu'après ladite propofition ledit Pierrot lui répondoit par figne, ct, refté feul fur le théâtre, difoit qu'il alloit faire entendre cette pro­pofition à Arlequin, fon ami, afin qu'il profitât de l'occafion, fe déguisât en comte allemand et fe préfentât audit docteur pour époufer fa fille; que ledit Arlequin étant furvenu après cette féconde fcène, ledit Pierrot lui auroit expliqué la même propofition à laquelle Arlequin répondoit par lignes ct poftures; et, après un entretien d'un quart d'heure, ledit Arlequin fe feroit retiré avec ledit Pierrot et fe feroit allé déguifçr en comte allemand. Enfuite ledit Arlequin feroit revenu faire une troifième fcène avec la fille du docteur, lui tenant plufieurs difeours, la plupart obfcènes et fans aucun ordre, faifant plùfieurs poftures indécentes avec ledit Pierrot : après lefquelles, étant forti dc fur le théâtre, on auroit apporté une table où il y avoit plufieurs habits de femme et ledit Arlequin feroit venu feul faire une quatrième fcène, parlant tout feul, fe feroit habillé en femme, auroit continué cette fcène feul fur le théâtre en difeourant avec une femme pour laquelle il répondoit à plu­fieurs difeours falcs, fort indecens et remplis d'obfcénités qui auroient fini la pièce (i). Puis il y auroit eu une annonce faite par un particulier qui feroit
(t) Cette pièce est sans doute Arlequin baron allemand, on le Triomphe de la folie, piece eri trois actes que les auteurs Lesage, Fuzelier ct Dorncval mirent plus tard en ccritcaux ct qu'ils firent représenter, ainsi rarrangée, le mercredi lA fevrier 1712, au Jeude Ia dame Baron, précédée d'un prologue intitulé : arlequin d la Foire.